Le Grand Festin - Intentions

Guillaume De Moura,
metteur en scène
Nous vous parlerons de l’horreur. Nous vous parlerons du sang. Nous vous parlerons des corps. Nous vous parlerons de ce que l’on ose dire, même à demi-mot. Nous vous parlerons de ce que l’humain peut faire de plus inhumain. Nous vous parlerons de la mort. Nous vous parlerons de la haine. Nous vous parlerons de l’incompréhension, de l’irrespect, de l’immoral.
Ce n’est pas à une partie de plaisir que vous allez assister. Nous-mêmes sommes encore secoués. Secoués dans nos consciences, secoués dans notre âme, dans toute notre humanité. Secoués par l’abomination. Secoués par la peur, la violence, la haine. Secoués aussi par l’entraide, la fraternité, la résistance.
La guerre n’est pas un jeu. La mort n’est pas une blague. Nous devons affronter la réalité de ce que nos aïeux ont cru être la « Der des Der » pour ne pas en faire, comme trop souvent on le voit, un combat épique, une histoire romanesque. Avec la médiatisation à outrance des conflits actuels fondée sur deux ou trois images « choc » sans le poids des mots, avec les jeux vidéo ultra violents, avec la pléthore de héros de films et séries d’action, la guerre n’est pas, je vous l’accorde, un fait totalement banal dans la tête de nos jeunes. Si ce n’est que les combats armés deviennent pour eux une fiction, un élément lointain qui ne se résume qu’à des dates, des chiffres, des images. Constat terrible. Terrible parce qu’il manque l’essentiel : la guerre déshumanise, la guerre vole systématiquement l’innocence et le bonheur d’êtres humains, de familles entières, de toute une population.
La Grande Guerre fut un traumatisme. Il faut le faire comprendre à notre jeune génération afin que l’héritage de millions de pères, de frères et de fils ne soit pas lettre morte.
Le Centenaire de la Grande Guerre n’est pas un vague titre de Une médiatique mais bien le creuset d’une prise de conscience de ce qu’engendrent la violence de masse et son engrenage, la brutalisation des populations et l’incompréhension. Évoquer le souvenir des tranchées et des soldats, quel que soit leur camp, est essentiel pour comprendre le monde qui nous entoure, pour rester convaincu du besoin vital de préserver la paix et de défendre sans relâche la vie, la liberté et le respect des hommes et des femmes, ici comme ailleurs.

Christine Méron,
auteure
Comment rendre compte de la Première Guerre mondiale, de sa déshumanisation, de sa brutalité, de toutes ces vies saccagées, de son échec dans la construction de la paix ?
La fable, en choisissant des vermines qui furent le cauchemar des poilus, raconte allégoriquement tous les maux, tous les travers, tous les enjeux de cette « Grande Guerre ». Tout son cynisme aussi. Mais les mots ne suffisent pas. Il faut des images, des images fortes, de celles qui dérangent et restent gravées dans les mémoires.